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Benkirane, ou l’obscurantisme d’Etat



« Le MALI met l’Etat marocain face à ses responsabilités quant à son immobilisme et sa passivité devant les propos illégaux, menaçants et néfastes de M. Benkirane et de son parti. »


Lors d’un meeting de la jeunesse du Parti Justice et Développement (PJD) tenu le 10 juin à Témara (Maroc), Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, a déclaré que son parti n’hésiterait pas à mener campagne pour voter contre la nouvelle constitution si celle-ci consacrait les Libertés Individuelles, notamment la liberté de croyance et la liberté sexuelle.

Pour étayer ses propos, il a déclaré :

« Les laïques veulent répandre le vice parmi ceux qui ont la foi, ils veulent que dorénavant, les citoyens puissent proclamer le pêché. Que ceux qui veulent manger pendant le ramadan le fassent chez eux ! Leur a-t-on jamais reproché pareille chose? Mais ces gens-là veulent faire des pique-niques pour manger pendant le ramadan, pourquoi ? Pour que vos enfants les voient et osent violer les interdits de Dieu. Et ils veulent, probablement, du moins d’après ce que nous avons entendu, proclamer la liberté sexuelle.  Ils veulent que la déviation sexuelle (l’homosexualité), qui certes, a toujours existé, devienne répandue et qu’elle se proclame publiquement. Cela, le PJD le refuse. Que celui qui porte en lui de tels immondices se cache, car s’il nous montre sa face, nous lui appliquerons les châtiments de Dieu ».

Faut-il rappeler que les « châtiments de Dieu », tels que M. Benkirane les a évoqués en langue arabe « Houdoud Allah », font référence à un concept théologique précis, celui des châtiments corporels : la peine de mort pour l’apostat et la lapidation pour les « fornicateurs ».

Ces propos, non seulement haineux et orduriers, sont illégaux, car ils se substituent à la justice et appellent à l’exercice de la violence envers un groupe de personnes en raison de leurs croyances ou leur orientation sexuelle. M. Benkirane a fait preuve d’irrespect envers les Marocains dans un discours noyé dans les préjugés et l’ignorance, mettant en exergue des motivations profondément obscurantistes visant au rejet de l’Autre. Ce discours fascisant est d’autant plus inacceptable qu’il n’émane pas d’un cheikh salafiste isolé, mais du leader du principal parti d’opposition du Maroc. Ces propos aux relents de terreur et d’inquisition sont d’autant plus irrecevables de la part d’un parti qui a la prétention un jour d’accéder au pouvoir.

M. Benkirane, qui définit son parti comme une formation islamiste « modérée », dessine lui-même par son discours agressif les limites d’un tel concept. Discrimination, anathème, homophobie, rejet de l’autre et de citoyenneté, quelle différence y a-t-il entre le discours de M. Benkirane, et de son parti le PJD, et le salafisme le plus belliqueux ? En faisant l’apologie des tribunaux de la charia, M. Benkirane ne dévoile pas seulement le dessein, somme toute perceptible, du parti rétrograde et obscurantiste qu’il dirige, mais jette l’opprobre sur l’Etat marocain qui se plaît à se définir comme tolérant et modéré, alors qu’il mène volontiers une chasse aux sorcières contre les militants laïques, pacifiques et humanistes du Mali, tout en laissant libre cours à des discours aussi dégradants et dangereux que celui de M. Benkirane.

L’Etat marocain doit clairement condamner ses propos. En tergiversant sur les valeurs universelles de liberté, de tolérance et de démocratie, il risque d’entériner le discours des ténèbres que véhiculent M. Benkirane et ses partisans. Dans un Etat démocratique, où le pouvoir judiciaire remplit son devoir en toute indépendance, l’institution de la justice devrait s’autosaisir afin de poursuivre M. Benkirane, ou tout auteur de propos similaires, pour appel à la haine, incitation à la violence, et violation des lois universelles garantissant les libertés individuelles et publiques.

Par son silence face à des propos aussi dangereux, l’Etat marocain se fait complice de M. Benkirane et de son obédience de pensée obscurantiste, et accepte, ce faisant, que ses idées soient portées sur la place publique, voire instituées en dogme inquisiteur, celui de la pensée unique.

Considérant que les déclarations de M. Benkirane sont d’une extrême gravité, qu’elles portent atteinte à la liberté et la dignité humaine, le MALI met l’Etat marocain face à ses responsabilités quant à son immobilisme et sa passivité devant les propos illégaux, menaçants et néfastes de M. Benkirane et de son parti.

MALI ? Qu’ai-je de différent ?
Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles
Rabat, le 16 juin 2011