2011-09-01
Dans son dernier roman, l'écrivain et homme politique
marocain Mohamed Achaari dément la justification traditionnellement
apportée au terrorisme.
Entretien par Imrane Binoual pour Magharebia à Casablanca – 01/09/11
Mohamed Achaari est l'ancien président de l’Union des Ecrivains
du Maroc, député de l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP)
pour Rabat et ancien ministre de la culture.
Achaari est également écrivain. Dans Al Qaouss wa al Faracha
(l'arc et le papillon), qui a remporté en 2011 le Prix international du
livre arabe, Achaari raconte les conséquences du terrorisme sur la vie
de toute une famille.
Mohamed Achaari a rencontré Magharebia à Casablanca et a évoqué
les personnages de son roman et les messages qu’il veut faire passer à
travers eux.
Magharebia : Pouvez-vous nous présenter les principales personnalités qui animent les scènes de votre roman ?
Mohamed Achaari : Le narrateur Youssef Elfersiwi qui
reçoit une lettre lui annonçant la mort de son fils unique dans un
combat terroriste avec les talibans, sous le choc ce quinquagénaire,
journaliste, militant de gauche, n’arrive pas à comprendre le choix de
son fils et comment il en est arrivé là.
Torturée par ce séisme il essaie de revisiter sa vie, de
reprendre tous les détails, l’histoire de son père Mohammed Elfersiwi ,
de sa mère allemande Diotima , mais aussi l’histoire de sa génération a
travers Ahmed Mejd ancien gauchiste converti en homme d’affaire, Ibrahim
Elkhiati avocat homosexuel défenseur des libertés, ses histoires
d’amour anciennes et récentes, ses amitiés et les lieux de sa vie. En
recollant ces morceaux, il essaie de reconstruire sa vie, et en nous
livrant des scènes d’une vie quotidienne mouvementés, il nous livre les
espoirs les peurs et les doutes de toute une génération.
Les personnages de femmes - Bahia son épouse, Leila son amour
et Fatima son amie jouent un rôle déterminant dans la reconstruction de
sa vie et dans la construction du roman.
Magharebia : Le fils Elfersiwi (Yassine) est l’exemple du
jeune qui rejette la vie dans toute sa simplicité et se transforme en
terroriste. Quel message voulez-vous adresser aux jeunes à travers cette
personnalité ?
Achaari : On a souvent essayé d’expliquer le terrorisme par
l’injustice, le désespoir ou le mal de vivre au risque de légitimer
ainsi un acte abominable. Yassin dans le livre est un jeune marocain
issu de la classe moyenne et faisait des études brillantes à Paris et
pourtant il a choisi de rejeter la vie en bloc. C’est-à-dire à quel
point l’acte désespéré d’un individu peut exprimer un désarroi collectif
issu d’une profonde crise morale et culturelle. J’ai écrit ce livre en
partie en pensant à cette crise. Un an après des populations entières
sont descendues dans la rue pour balayer l’expression la plus éloquente
de cette crise, des régimes avides de pouvoir et d’argent .
Magharebia : La représentation politique est très forte
dans ce roman (militantisme politique, détention politique, terrorisme,
des scènes de bureaucratie, corruption…). Quel message voulez-vous faire
passer à travers votre ouvrage ?
Achaari : Je suis un militant de gauche et j’ai fait une
carrière politique liée au combat pour les libertés et la démocratie.
C’était un combat débordant d’espoirs et de vie. Je constate que les
blocages et les désillusions ne permettent plus à la politique d’être
génératrice de grands espoirs. Même l’euphorisme révolutionnaire de ce
qu’on appelle le printemps arabe, se heurte aujourd’hui au déficit des
élites et à de graves problèmes économiques et sociaux et risque par
conséquent de sombrer dans le désespoir. Mais encore une fois, un roman
aussi politisé soit-il n’est pas en mesure de livrer un message
politique et encore moins des solutions politiques. J’ai essayé de
réfléchir à la problématique de changement dans une société arabo
musulmane comme la notre et de dire toute la complexité d’un processus
qu’on réduit souvent à un acte politique magique.
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