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Résolution pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité


11/07/2012 - La résolution pour la dépénalisation universelle de l'homosexualité est revenue sur le devant de la scène, depuis que trois militants du Comité Idaho ont entamé une grève de la faim pour protester contre «l'homophobie et l'inaction honteuse du gouvernement français». Mais où en est réellement la résolution? Comment est-elle parvenue jusqu'au Conseil des Droits de l'Homme? Quels sont les enjeux concrets du portage de l'Afrique du Sud? Explications avec Renato Sabbatini, co-secrétaire général de l'Ilga.

ÉTAPES PAR ÉTAPES

En juin 2011, l'adoption de la résolution 17/19 à 23 voix contre 19 et 3 abstentions, représentait un premier pas symbolique. Le Conseil des Droits de l'Homme admettait enfin que la question des discriminations liées à l'identité de genre et à l'orientation sexuelle allait devoir être discutée entre les États membres. Soutenu par 39 pays, le texte avait été proposé par l'Afrique du Sud. En mars dernier, le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon a confirmé cette volonté de mettre en avant la lutte contre les LGBTphobies dans les préoccupations du Conseil:

«Pendant trop longtemps, le Conseil a fermé les yeux sur ces violations. Il n'y a ni dignité, ni honneur dans la torture, la persécution et la discrimination. Il est temps pour le Conseil de remplir son devoir de promouvoir et de protéger les droits humains de tous.»

«Ce débat était vraiment une première, rappelle Renato Sabbatini, puisqu'il se faisait en présence d'experts et de militants LGBT.» Un débat qui a remis en lumière les oppositions très vives de certains pays d'Afrique défavorables à cette résolution pour la dépénalisation de l'homosexualité, notamment parce que les gouvernements considèrent que l'homosexualité n'est pas dans la culture africaine, qu'elle est venue des pays occidentaux (lire aussi Onu: les pays africains et arabes s’opposent à tout débat sur les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre).

ET AUJOURD'HUI?

«La résolution est actuellement sous la direction de l'Afrique du Sud, c'est elle qui tient les clefs du processus.» Pour Renato Sabbatini, l'objectif actuel est d'obtenir un nombre de voix plus important qu'au dernier vote. Si l'adoption de la résolution 17/19 était une première étape, la suivante est maintenant d'adopter une résolution réellement contraignante pour les pays qui ne respectent pas les droits fondamentaux des LGBT.

«L'Afrique du Sud est en train de parler aux pays africains et d'entretenir le dialogue sur ces questions, notamment à travers des rencontres bilatérales.»

Le débat se joue donc aussi en dehors des grandes assemblées du Conseil des Droits de l'Homme. «C'est le seul moyen de diviser le bloc de pays africains et de parvenir à les convaincre d'entrer dans le débat sur les questions LGBT» affirme Renato Sabbatini. En effet, les positions des pays de l'Organisation de coopération islamique (OCI) n'ont pas évolué. L'OCI persiste à affirmer que les droits des personnes LGBT sont relatifs aux comportements individuels et non aux droits humains.

UN PROCESSUS COLLECTIF

«Le gouvernement français a compris qu'il n'y a pas d'intérêt à reprendre l'initiative, estime Renato Sabbatini. Aujourd'hui, tout le monde le reconnaît, la France a eu un rôle fondamental en 2008 en portant la Déclaration relative aux droits de l’Homme et à l’orientation sexuelle et l’identité de genre.» Pour la première fois, l'Assemblée générale des Nations Unies s'était en effet prononcée contre les violations des droits de l’Homme fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Cette initiative exceptionnelle avait été pilotée par la France et les Pays-Bas avec l'Argentine, le Brésil, le Gabon, le Japon et la Norvège et avait été soutenue par 68 pays. Désormais pour obtenir les résultats escomptés, Renato Sabbatini affirme qu'il faut qu'un processus soit partagé par plusieurs pays.

«Si les lignes ne bougent pas d'ici un an, alors il faudra changer de stratégie, explique-t-il. Mais pour le moment, ce serait une folie de dessaisir l'Afrique du Sud.»

TRAVAILLER AVEC PATIENCE DANS LE MONDE RÉEL

Et si Barack Obama n'est pas réélu en novembre prochain et que la résolution perd le soutien des États-Unis, comme le craint le Comité Idaho? «Ça ne sert à rien! Quelqu'un contre la peine de mort ne peut pas faire une grève de la faim et demander immédiatement un moratoire sur la peine de mort. Ça ne se passe pas comme ça.

«Dans le monde réel, celui où nous vivons, celui où les gays et les lesbiennes subissent des persécutions chaque jour, il faut se mesurer aux États.»

Pour Renato Sabattini, un vrai changement ne se fera qu'avec une résolution adoptée avec une majorité. «Il faut travailler avec patience, plus particulièrement avec les pays qui s'abstiennent sur ces questions. Face aux États africains très homophobes, ils craignent de faire preuve de faiblesse. C'est eux que nous devons convaincre.»

Yagg